Citation :

Je m'appelle Roman et j'ai dix ans. Roman ça s'écrit comme les livres qui ont beaucoup de pages et que maman lisait tout le temps mais la fin se prononce comme le prénom Anne. Des camarades à l'école n'arrêtent pas de se moquer de mon prénom et me surnomme le livre. Quand je l'ai dit à mes parents, mon papa s'est énervé et ma maman lui a dit de ne pas jurer devant les enfants. Elle était comme ça ma maman. Elle était toujours là pour papa et chaque fois qu'elle lui parlait, mon papa arrêtait de crier et souriait quand il la voyait. L'autre jour, le monsieur à la barbe que je vois une fois par semaine et qui note tout ce que je dis sur du papier, m'a demandé si maman me manquait. J'ai ri et je lui ai dit que sa question était bête. Il m'a demandé si je savais que ma maman n'allait pas revenir et moi, j'étais alors pas content et je le lui ai dit. Parce que ma maman elle pourra jamais m'abandonner et je sais qu'elle reviendra toujours ! Pour le moment, papa m'a dit qu'elle était au ciel et que c'était un endroit merveilleux où maman était heureuse. Je n'ai pas compris pourquoi papa me disait ça en pleurant. Tout le monde me dit qu'elle ne va pas revenir mais moi je sais qu'ils ont tort ! Oui, ils ont tous tort ! Même si ma maman est dans un endroit merveilleux, elle peut m'abandonner et je sais qu'elle n'est pas heureuse. Elle va revenir et moi je ne veux plus voir ce monsieur avec la barbe ! Il m'oblige à parler et il me demande toujours comment je vais. Il ne veut jamais me parler de lui alors que je dois toujours parler de moi. Et je suis obligé d'écrire ce fichu carnet. Il dit que ça va m'aider mais je comprends pas parce que j'ai pas besoin d'aide. Il n'arrête pas de me parler du feu dans notre maison alors que je ne veux pas en parler. Je me mets toujours à pleurer alors que je ne suis pas un bébé. C'est les bébés qui pleurent. Et les filles. Non je ne suis pas un bébé. C'est mes yeux qui pleurent tout seuls.

∞ FLASH BACK ∞

« Roman ! » murmura une femme clouée au sol, la circulation presque coupée. La fumée l'empêchait de voir au delà d'un mètre. Suffoquant et toussotant à la fois, paniquée, elle regarda autour d'elle mais ne voyait rien d'autre que de la fumée. Au bord du désespoir, elle puisa dans ses dernières forces et se mit à crier. « Roman ! Roma... » La fin du prénom de son fils ne fut que sanglots tandis qu'elle ne parvenait plus à lutter contre la chaleur étouffante. Le corps sans vie de sa fille d'à peine quatre ans reposait déjà à ses côtés et lorsqu'elle avait tenté de trouver son pouls, elle n'avait rien ressenti, pas même le moindre petit battement. Au lieu de sombrer au désespoir, elle était restée calme et avait doucement fermé les yeux de sa fille avant de lui déposer un léger baiser sur la joue. Ce fut à ce moment-là qu'elle avait commencé à crier le prénom de son fils. Quand les flammes s'étaient déclarées à cause d'un court-circuit dans la cuisine, elle était en train de préparer le petit déjeuner avec sa fille. Roman, son fils de neuf ans était encore dans sa chambre en train de s'habiller. Et elle ne savait pas s'il avait ou non été touché par les flammes. L'image de son fils fut la dernière vision qu'elle eut avant de sombrer définitivement. Les flammes finirent par l'engloutir à peine quelques secondes plus tard. A l'étage, le petit garçon était incapable de bouger. Il voulut répondre à sa mère mais aucun son ne parvint à franchir la barrière de ses lèvres. Les jambes ramenées vers sa poitrine, il avait sa tête posée sur les genoux et se dandinait sur place. Un gémissement commença à s'échapper de ses lèvres tandis que la fumée commençait à atteindre le placard dans lequel il s'était caché. Elle l'engloutit à une telle vitesse que bientôt, il sentit qu'il manquait de souffle. S'écroulant sur le côté, il perdit connaissance et crut que c'était la fin. Pourtant, il se réveilla quelques heures plus tard dans un lit d'hôpital avec son père qui pleurait à ses côtés.

∞ FIN DU FLASH BACK ∞

Citation :

Je ne sais pas vraiment ce qui me pousse à écrire ce message. D'habitude, je ne suis pas le genre à retranscrire mes émotions sur un bout de papier pour me libérer et me débarrasser. Je suis plutôt le genre à tout enfouir au fond de moi et faire comme si rien n'était arrivé, comme si tout était aussi anodin que de se faire cuire une omelette. Je n'aime pas partager mes émotions avec les autres mais en même temps, ce n'est pas très étonnant, je passe le plus clair de mon temps seul à arpenter les routes avec pour seul compagnon un sac à dos. Je suis bien plus habitué à la solitude qu'à la vie en communauté et je ne sais pas vraiment comment il faut bien se comporter avec les autres. Je n'ai pas toujours été comme ça certes. Mais maintenant que je me suis fait à cette vie-là, c'est dur de perdre des habitudes et d'être de nouveau habitué à vivre avec les autres.Encore une fois, je vais me répéter mais je ne sais pas pourquoi je suis en train d'écrire ces quelques mots. Sans doute parce que je viens de trouver dans un vieux carton dans mon ancienne chambre tous ces mots que m'avait forcé à écrire mon psychologue. Je les ai tous relu sans exception et j'en suis resté presque insensible, comme si ce n'était pas vraiment moi qui les avait écrit, qu'il s'agissait d'une tout autre personne dans un tout autre monde. Et pourtant, j'ai écrit ces mots, j'ai ressenti ces émotions, j'ai suivi ces séances chez le psy.